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vagabonde comme l’avait été la nôtre. Depuis un mois je vivais dans cette auberge, lorsque j’en sortis par une étrange aventure…

Et comme Basquine semblait hésiter à continuer :

— Peut-être ces aveux te sont pénibles — lui dis-je en voyant sa physionomie s’attrister.

— Non… — reprit-elle avec son sourire amer et glacé, — non… souvent, au contraire, j’évoque ce souvenir et bien d’autres… Ils retrempent mon courage, mon énergie, ma volonté… j’y puise de nouvelles forces pour marcher opiniâtrement vers le but que je veux atteindre… et je l’atteindrai, oh ! oui… je l’atteindrai !

Je fus frappé de l’inflexible résolution avec laquelle Basquine prononça ces dernières paroles, et du sombre éclat de ses grands yeux.

— Quel est donc ce but que tu poursuis ? — dis-je à Basquine en interrogeant aussi Bamboche du regard.

— Je n’en sais rien, — me répondit-il ; — il y a trois ans que je l’ai vue, et elle ne m’a fait là-dessus aucune confidence… n’est-ce pas, Basquine ?

— Non, — reprit-elle.

Et elle continua après un nouveau silence :

— J’étais donc servante des servantes dans cette auberge. Elle se trouvait à mi-côte d’une pente rapide où les voitures ne pouvaient cheminer que très-lentement. Un jour où le givre glacé, tombé pendant la nuit, rendait cette montée presque impraticable, je me trouvais assise sur un banc à la porte de l’auberge, lorsque je vis passer d’abord un courrier vêtu de rouge, magnifiquement galonné d’or ; il précédait de peu de temps plusieurs voi-