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stupeur. — Basquine poursuivit avec son impassibilité sardonique.

— Louis XV fut, chose assez rare, fidèle pendant deux ans à la petite Tiercelin… Cette fidélité épouvanta courtisans et courtisanes, et, par suite de je ne sais quelle intrigue du duc de Choiseul, la pauvre enfant fut, ainsi que son père, jetée à la Bastille,… tous deux y restèrent quatorze ans[1].

— Aussi, l’histoire dit-elle Louis-le-Bien-Aimé !… — reprit Bamboche en éclatant de rire.

— La morale de ceci — reprit Basquine, avec son accent de raillerie amère — c’est que Louis XV était un naïf écolier auprès du milord-duc de Castleby, et qu’il eût

  1. Voici ce qu’on lit dans les Mémoires historiques de Peucret, tirés des archives de la police, tome 3, pages 106, 108, 114, etc. :

    « Un des traits qui ont le plus mis en évidence la corruption de la police sous le règne de Louis XV, c’est l’affaire de la demoiselle Tiercelin. C’était une enfant d’une figure charmante, âgée au plus de onze ans, que Louis XV remarqua sur son chemin, en passant à pied dans les Tuileries… Il en parla le soir même à Lebel, son valet de chambre. Celui-ci, pour qui les goûts de son maître n’étaient pas un mystère, pensa vite aux moyens de satisfaire les nouveaux désirs du monarque… La jeune fille fut donc enlevée et livrée au roi… »

    Et, plus loin :

    « La marquise de Pompadour saisit avidement cette occasion de se débarrasser d’une rivale qui pouvait devenir très-dangereuse ; elle fortifia M. de Choiseul dans ses soupçons, et le roi signa, dans un moment de colère, une lettre de cachet contre la fille Tiercelin et contre son père… Les notes secrètes relatives à cette ignominieuse intrigue font voir qu’elle dura depuis 1754, que la jeune Tiercelin fut mise dans le lit du roi, jusqu’en 1756, que l’ordre de renfermer le père et la fille à la Bastille fut signé. Ils y restèrent pendant quatorze ans. »