Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

temps de rudes épreuves. Il en fut de même au sujet de mon amour pour Régina.

— Tu crois en Régina, comme ma pauvre mère croyait à la sainte Mère de Dieu, — me dit Basquine émue, — ce n’est plus de l’amour… c’est de la religion.

— Martin, — me dit Bamboche d’une voix grave, lorsque j’eus terminé ma confession, — tu es la meilleure créature qu’il y ait au monde… Tu vas rire, quand je te dirai que je suis content d’être ce que je suis… parce que je t’apprécie mieux… que si je te valais… que si j’étais à ta hauteur.

— Bamboche, l’amitié t’aveugle, — lui dis-je en souriant.

— Eh ! tonnerre de Dieu… je ne veux pas faire de phrases, — s’écria-t-il, — et pourtant ça n’empêche pas que plus on est bas placé, et mieux l’on juge de l’élévation d’une montagne…

— Il a raison, — reprit Basquine, — l’amitié ne nous aveugle pas… Elle nous empêche seulement d’être envieux ou injustes… Va… mon bon Martin… — ajouta Basquine avec un sourire navrant. — Ce n’est jamais la beauté qui sait le mieux apprécier… la beauté… c’est la laideur… lorsqu’elle est inoffensive et sans envie…

— Et puis, vois-tu ? — reprit Bamboche, — le diable n’y peut rien… Tu resteras Martin, comme Basquine et moi nous resterons Basquine et Bamboche ; nous sommes maintenant coulés en bronze, toi dans le bon moule, nous dans le mauvais ; gratter ce bronze, c’est s’amuser à s’arracher les ongles ; et c’est un sot jeu,