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lors de mes deux rencontres avec le prince de Montbar : la première dans l’auberge des Trois-Tonneaux, la seconde à la porte d’un bouge des boulevards extérieurs. — C’est peut-être par cette issue, — me disais-je, — que le prince, déguisé sous de misérables vêtements, quittait sa riche demeure héréditaire pour aller se livrer aux plus tristes excès. Après avoir examiné curieusement cette porte, afin de deviner si elle avait été récemment ouverte, je regagnai la voiture ; bientôt j’y fus rejoint par mon maître.

Chez moi, — dit-il brusquement au cocher.

Puis, abîmé sans doute dans de pénibles réflexions, il ne m’adressa pas la parole jusqu’à notre arrivée chez lui. Durant ce trajet, je le vis deux ou trois fois lever les yeux au ciel en haussant convulsivement les épaules, comme s’il eût pris Dieu à témoin de quelque grande iniquité.

Cette tristesse douloureuse, que semblait éprouver mon maître en sortant de l’hôtel de Montbar, excitait mon inquiétude et ma curiosité ; le docteur venait-il de faire quelque fâcheuse découverte ; quelque malheur menaçait-il Régina ? Le fiacre s’arrêta devant la maison du docteur, située au fond du Marais, dans une rue si déserte, que l’herbe poussait entre les pavés. Au tintement réitéré d’une sonnette, une porte bâtarde s’ouvrit, nous entrâmes, mon maître et moi, dans cette demeure solitaire.

— Suzon, — dit-il à la vieille servante qui nous reçut, — voici le brave garçon dont je t’ai parlé… mets-le au fait du service… et n’entre pas dans mon cabinet avant que je sonne.