Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/406

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Just ne trouva pas un mot à répondre ; de généreuses larmes coulèrent de ses yeux.

Le docteur continua :

— Si au lieu de te laisser après moi… oisif et riche à millions… je te laisse une modeste aisance, un avenir assuré et une noble carrière que tu honores, mon cher enfant, c’est que j’ai obéi à une pensée qui devrait être inscrite au front de l’édifice social… Cette pensée, la voici : nul n’a droit au superflu… tant que chacun n’a pas le nécessaire… C’est donc parce que j’ai donné le nécessaire à des milliers de tes frères en humanité, mon enfant, que je ne te laisse pas de superflu. Tu sais maintenant l’emploi de notre fortune.

Il m’est impossible de rendre la grandeur et la simplicité de cette scène, la majesté de la parole et de la physionomie du vieillard, l’admiration religieuse avec laquelle son fils l’écoutait encore, alors qu’il avait cessé de parler.

Quant à moi, cette scène imposante me frappait doublement… je comprenais, j’admirais d’autant plus la pensée austère du docteur Clément, qu’involontairement je pensais à la vie passée du malheureux Robert de Mareuil… à la vie à venir du vicomte Scipion… ces deux victimes de l’oisiveté… conséquence presque fatale d’un opulent héritage.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Just… ai-je bien fait ? — dit le vieillard.

— Oh ! le plus glorieux des héritages ! — s’écria le capitaine Just avec transport, en baisant pieusement le vieux registre que lui avait remis le docteur. — Merci, mon père… je me sens grandir avec toi !