Page:Sue - Plik et Plok, 1831.djvu/336

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— Hourra !… cria l’équipage tout d’une voix.

Quand l’épaisse fumée fut dissipée, et qu’on put juger de l’effet de cette bordée, on ne vit plus aucun Anglais, aucun… Tous étaient tombés à la mer ou sur le pont de la corvette, tous étaient morts ou affreusement mutilés. Aux cris du combat, avait succédé un silence morne et imposant ; et ces dix-huit hommes qui survivaient seuls, isolés au milieu de l’Océan, entourés de cadavres, ne se regardaient pas sans un certain effroi !

Kernok, lui-même, fixait les yeux avec stupeur sur le tronc informe du capitaine anglais ; car la mitraille d’argent lui avait encore emporté un bras. Ses beaux cheveux blonds étaient tout souillés de sang ; pourtant le sourire lui restait sur les lèvres… C’est qu’il était mort sans doute en pensant à elle, à elle, qui, baignée de larmes, allait revêtir de longs habits de deuil, en apprenant sa fin glorieuse. Heureux jeune homme ! Il avait peut-être aussi sa vieille mère pour le pleurer, lui qu’elle avait bercé tout petit enfant. C’était peut-être un avenir brillant qui avortait, un nom illustre qui s’éloignait en lui. Quels regrets il devait laisser ! Combien on devait le plaindre ! Heureux ! trois fois heureux