Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/307

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Tout être, élu dernier de tant d’élus antiques,
De tant d’astres vainqueurs aux luttes chaotiques,
          Et de races dont il descend,
D’une palme croissante est né dépositaire ;
Tout homme répondra de l’honneur de la terre
          Dont il vêt la gloire en naissant ;

Et puisque notre sphère est aux astres unie
Comme un nœud l’est aux nœuds d’une trame infinie,
          Et tord un fil du grand métier,
Dans le peu de ce fil que l’homme brise ou lâche,
L’homme, traître à la terre en désertant la tâche,
          Est traître à l’univers entier !

Traître même à la mort, qu’atteint sa défaillance,
Car avec les vivants les morts font alliance
          Par un legs immémorial !
Traître à sa descendance avant qu’elle respire,
Car héritier du mieux il lui laisse le pire,
          Félon deux fois à l’Idéal !

Ah ! je sais désormais ce que me signifie
Ma conscience, arbitre et témoin de ma vie,
          Qui ne se trompe ni ne ment,
Ce qu’elle me conseille, ou prohibe, ou commande,
Cette voix qui tout bas si souvent me gourmande,
          Et m’approuve si rarement !