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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

nommé Louis d’Ailleboust[1] sieur de Coulonges et d’Argentenay, avec sa femme, Barbe de Boullongne, et la sœur de celle-ci, arrivèrent de France porteurs de nouvelles encourageantes. Florentin de Boullongne, de la paroisse Saint-Eustache de Paris, avait épousé mademoiselle Eustache Quen, dont il eut deux filles : Philippine-Gertrude, née 1603, à Ravière, comté de Tonnerre, en Champagne, et Barbe, née 1618, qui était mariée à Louis d’Ailleboust ; Philippine-Gertrude entra chez les ursulines de Québec (1648) et prit le nom de mère de Saint-Dominique.

Madame de Bullion avait fait une fondation de deux mille francs de rente pour l’entretien d’un hôpital, et donné douze mille francs pour le bâtir et le meubler ; de plus, elle envoyait deux mille francs à mademoiselle Mance « pour les employer à sa dévotion. » Chacun des associés « avait tâché de se saigner charitablement et généreusement. »

Madame de la Peltrie, voyant que mademoiselle Mance aurait à l’avenir de la compagnie et de l’aide de son sexe, retourna à Québec. Une autre perte pour la colonie de Montréal fut le départ de M. de Puyseaux. Ce bon vieillard, attaqué par la paralysie et affaibli par l’âge, demanda à M. de Maisonneuve de lui rendre ses terres de Saint-Michel et de Sainte-Foye, ce qui lui fut accordé verbalement sur l’heure. Il descendit à Québec, où, selon les apparences, il demeura une année ou deux. En 1644, il dota de cinq cents francs Marie-Olivier-Silvestre Manitouabewich, sa filleule (adoptée par Olivier Le Tardif), qui se mariait (3 novembre) avec Martin Prévost. C’est le premier mariage d’un Français avec une femme sauvage. M. de Puyseaux était retourné en France lorsque M. de Maisonneuve ratifia (19 octobre 1646, à Québec) sa rentrée en possession des deux terres. Noël Juchereau des Chastelets acheta le fief Saint-Michel et le donna ensuite à sa nièce, Geneviève Juchereau, lorsqu’elle épousa (1er octobre 1648) Charles Le Gardeur de Tilly. « Par un acte passé en 1656, M. de Tilly loue la terre de Puiseaux ou Saint-Michel à Martin Pin, Jean de La Rue et Siméon Le Gendre. Quelques années plus tard, ce fief fut vendu au séminaire de Québec, auquel il a toujours appartenu depuis. » Par un testament fait à la Rochelle, le 21 juin 1647, M. de Puyseaux lègue sa terre de Sainte-Foye au profit du futur évêque de Québec. Copie de ce document fut expédiée en 1733 à la demande des chanoines de Québec, mais, faute de pouvoir en identifier les limites, on renonça à l’espoir de posséder cette propriété. Les bons offices de M. de Puyseaux ne furent point méconnus des associés de la compagnie de Montréal, qui « le firent très bien soigner ; ils en eurent la même sollicitude que s’il dut être leur propre frère, et ils ne l’abandonnèrent point jusqu’au tombeau. »

M. d’Ailleboust était un militaire et un agriculteur ; il remplaça la palissade de Ville-Marie par quelques bastions construits scientifiquement ; en même temps, on prit des mesures pour tirer de la terre la subsistance des habitants, dès l’été de 1644.

Nous commençons à voir figurer les noms de quelques Français fondateurs du poste. Le premier habitant de Montréal fut Pierre Gadois, déjà cité pages 80, 91. En 1641, était arrivé au Canada Nicolas Gode, maître-menuisier, né 1583, de Saint-Martin d’Igé, évêché

  1. Voir la notice que lui a consacrée M. Faillon : Histoire de la colonie, I, 448.