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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Le projet du collège des jésuites date de 1625 ou 1626 ; cette dernière année, René Rohault, fils du marquis de Gamache, promit d’affecter une somme à cet usage, c’est-à-dire pour l’enseignement des vérités chrétiennes aux fils des Hurons et des Algonquins ; il n’est pas parlé des Français. En 1635, lorsque le marquis de Gamache mit de l’argent pour cet objet à la disposition des jésuites, le père Charles Lalemant écrivit : « Nous allons quitter le soin de défricher quelques terres… J’espère, si nous pouvons avoir du logement, de voir trois classes à Kébec, la première de petits Français, qui seront peut-être de vingt ou trente écoliers, le seconde de quelques Hurons, et la troisième de Montagnais. » Cette école de Français était commencée par les pères Lalemant et de Quen. L’hiver de 1636-37, cinq jeunes Hurons se joignirent aux classes ; le père de Brebeuf, alors dans le pays de ces derniers, en préparait plusieurs autres à se rendre à Québec dans le même but. Les sauvages étaient revêches à tout esprit de discipline, aussi ne voulurent-ils pas continuer après une première année.[1] La compagnie de la Nouvelle-France accorda un terrain pour le collège ; en 1637, et les travaux de construction commencèrent aussitôt, grâce à la somme (Charlevoix dit six mille, Du Creux écrit seize mille écus d’or) versée par M. de Gamache. Le titre du terrain est du 18 mars 1637 et porte que cet octroi est fait dans l’intérêt des enfants des sauvages, les Hurons compris, « et aussi pour instruire les enfants des Français qui résideront, sur les lieux. » La fondation des ursulines (1639) eut lieu pour l’avantage des filles des indigènes et des habitants français. Les enfants des deux sexes se trouvaient ainsi en état d’acquérir les éléments de l’instruction dans cette colonie, où l’on ne comptait encore que soixante et quatre ménages. Il n’est guère probable que les établissements des autres nations, en Amérique aient possédé comme nous, dès les premiers jours, des institutions de ce genre. Les nôtres n’étaient pas riches, il est vrai, mais enfin elles existaient et devaient se développer graduellement.

Québec ne fut jamais un comptoir de traite, un simple entrepôt commercial. Cette ville prit de suite une forme policée. Aucun autre centre au Canada ne se vit fréquenté, dès son origine, par une classe aussi lettrée. Résidence attitrée des gouverneurs, des jésuites, des fonctionnaires civils et militaires, durant ce dix-septième siècle qui vécut pour ainsi dire la plume à la main, elle cultiva le goût de la littérature et dut le répandre jusque dans le peuple par ses modestes écoles, par le langage de ses hommes publics, et même par les représentations scéniques, car il se trouvait toujours soit des écoliers, soit des amateurs, pour faire les frais de ces nobles amusements. En 1640, 1645, 1651, 1658 et 1668 eurent lieu des fêtes de cette nature dont le souvenir nous a été conservé ; il va sans dire que ce ne furent pas les seules.

Les jeunes sauvages n’ayant pas répondu aux appels qui leur avaient été faits, de 1636 à 1644, ou du moins les élèves appartenant à cette race s’étant montré trop enclins à reprendre la vie nomade, il y a apparence que les jésuites tentèrent, vers 1650, d’en attirer

  1. Une autre tentative faite en 1643 ne réussit pas davantage.