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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

de nouveaux, lorsque les Hurons, chassés de leur pays se réfugièrent à Québec. Le Journal des Jésuites du 18 octobre 1651 dit : « Une heure après midi, les écoliers reçurent M. le gouverneur dans notre nouvelle chapelle latina oratione et versibus gallicis, etc. Les sauvages dansèrent, etc. »

Quelques personnes se livraient à l’instruction des enfants de leurs propres familles ou hébergeaient des maîtres particuliers qui faisaient en même temps la classe aux jeunes gens du voisinage. Vers 1640, dit M. Faillon, M. Jean Le Sueur, prêtre, « ayant quitté son emploi de confesseur et de chapelain des hospitalières, M. Jean Bourdon le reçut dans sa maison et le chargea de l’éducation de ses enfants, que M. Le Sueur éleva dans la crainte de Dieu, et à qui il apprit à lire et à écrire. » Il dut en être ainsi dans beaucoup d’endroits puisque nous voyons, de bonne heure, des Canadiens tels que Pierre Boucher, par exemple, tenir la plume avec succès et remplir des charges qui nécessitent une instruction plus qu’élémentaire.

À Québec, en 1651, au plus fort de la guerre des Iroquois, Martin Boutet ouvrit une école pour les enfants des Français, dans une maison avoisinant le collège des jésuites, et, si nous ne nous trompons, sous la protection de ces religieux. Ce premier maître d’école laïque connu de la Nouvelle-France se nommait Martin Boutet dit Saint-Martin. Il était venu de Xaintes, avec sa femme et ses deux petites filles, en 1645 ou 1646. On le voit figurer comme maître-chantre ; de plus, il jouait du violon pour accompagner les chœurs à l’église. En 1664, il fût délégué pour examiner une mine aux environs de Québec. Il est aussi mentionné comme professeur de mathématique. Sa fille aînée se maria ; la seconde prit le voile aux ursulines.

La mère de l’Incarnation disait en 1653, que les ursulines prenaient les petites filles des habitants, durant six mois de l’année et qu’elles les instruisaient ainsi presque toutes, les unes après les autres, de manière à les empêcher de grandir dans l’ignorance, tant du côté des lettres que de l’éducation sociale. Une observation facile à faire, c’est que, sous le gouvernement français, les femmes étaient de beaucoup plus éclairées que les hommes et ce résultat est dû aux ursulines de Québec et des Trois-Rivières et à la Congrégation de Notre-Dame à Montréal. La sœur Bourgeois fonda la Congrégation (1659) ayant pour toute fortune dix francs dans sa poche ; cette institution a merveilleusement progressé.

La sœur Marguerite Bourgeois voyant (1657) que la petite colonie de Montréal comptait quelques enfants, les premiers nés dans ce lieu, ne dépassant guère l’âge de cinq ou six ans, commença une classe dans une étable de pierre que M. de Maisonneuve lui offrit : au nom des seigneurs de l’île, avec un terrain adjacent ; elle se logea dans le grenier de cette humble maison, avec la sœur Marguerite Picaud. L’année suivante, à part les petits garçons et les petites filles qu’elle avait recordés, selon qu’elle s’exprime, elle forma une congrégation externe destinée aux filles nées en France qui n’étaient plus d’âge à aller à l’école — ce qui donna lieu au nom de Congrégation appliqué à l’institut de la sœur Bourgeois. Cette même année (1658), elle passa en France, « afin d’aller à Troyes pour avoir quelques filles qui m’aidassent à faire l’école au peu de filles et de garçons capables d’apprendre. » C’était surtout