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les forges saint-maurice

Officiers, conducteurs, surveillants, employés, commis (il y en a quatorze), intendant et autres vivent dans l’abondance et sont très bien logés. Lambert, recueillant en 1808 la tradition locale, dit que plus de quatorze de ces personnes avaient fait leur fortune aux Forges, de 1740 à 1760, mais le mot fortune ne saurait être pris au sérieux. Ce qui est certain c’est que, en ce temps-là, comme de 1760 à 1850, les gens des Forges ont toujours vécu largement. Les notes de Kalm sont écrites sans ordre ni suite. Je les ai remaniées pour le mieux. Terminons par nos propres remarques.

Les « gens des forges » ont conservé jusque vers 1850 une foule d’habitudes traditionnelles. Ainsi, l’on communique les ordres autour du haut-fourneau par des sonneries exécutées sur des feuilles de tôle suspendues et frappées à coups de gourdins. Pas de cris, aucun appel vocal mais trois sons, plus ou moins, parfois cinq, espacés d’une certaine manière et tout le monde comprend. Le masque d’amiante sur la figure, le devant du corps protégé par une armature de gros cuir, quelques-uns surveillent la fonte en ébullition. Ceux qui travaillent plus près du fourneau ne portent qu’un simple caleçon[1]. Des outils de tailles gigantesques sont suspendus

  1. Ceci nous rappelle que le Dr N.-E. Dionne nous avait communiqué à ce sujet une note des plus curieuses. Vers 1750, les habitants des Forges avaient l’habitude de travailler en simple chemise, sans « culottes », pendant l’été, pour éviter la grande chaleur de la saison jointe à celle de la forge, et que les missionnaires, surpris de voir violer les règles de la bienséance, avaient dû condamner cette mauvaise habitude. Il ne semble pas que la chose se soit aggravée, car le Dr Dionne n’a rien trouvé de plus sur cette affaire.

    Mais ce que l’on connaît de certain, c’était le défaut des « gens des Forges » de trop sacrer, de se quereller et de se dire parfois des injures, ce qui ne veut pas dire qu’ils étaient de mauvaises mœurs ; au contraire, cette population était très morale et durant les vingt-trois années de la tenure du registre des Forges, il n’y a pas une seule naissance illégitime.