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&8o RÈGNE DE LA TERREUR EN FRANCE.

Le 21 novembre,’ en conséquence, Robespierre s’éleva aux Jacobins contre l’impiété et les profanations des Hébertistes. Sans doute, il n’avait jamais partagé leur zèle athée élève de Rousseau, il avait toujours professé la. croyance en une providence divine; cependant, sa religion était assez élastique pour lui avoir fait proclamer dans sa Déclaration des droits de l’homme, non un Dieu personnel, mais la Nature comme souveraine de l’univers. Ses amis les plus intimes, Saint-Just et Couthon, avaient, nous l’avons vu, traité les églises de la même manière qu’Hébert; lui-même, à la vérité, avait plus tard proclamé « l’Être suprême », mais en recommandant de ne pas rétablir les cérémonies religieuses (1). Bref, s’il n’y avait été poussé par des motifs politiques, il ne se serait pas plus ému de l’abolition du culte chrétien qu’il ne s’était ému jadis des persécutions exercées contre le clergé catholique. Mais l’important pour lui, en ce moment, était d’atteindre les Hébertistes sur un point quelconque, et il savait que, dans la question religieuse, l’approbation de plusieurs millions d’hommes lui était assurée. A Paris même, une vive irritation se manifestait contre les profanateurs des églises; mais c’était surtout des provinces que chaque courrier apportait à ce sujet les nouvelles les plus inquiétantes. Un agent écrivait de Lyon que la population des campagnes était résignée à tous les sacrifices, mais qu’une vaste explosion aurait lieu si on ne lui rendait ses prêtres. En Bretagne, la présence ’des Vendéens menaçait de causer les plus grands malheurs si l’on continuait à exciter par l’anéantissement du christianisme les paysans déjà si mécontents. Enfin, l’œil le moins exercé ne pouvait méconnaître les dangers que le fanatisme irréligieux préparait à la République. Robespierre exposa tout cela avec chaleur et énergie il trouva des expressions heureuses, presque inspirées, et, malgré la surprise du club, il s’assura une majorité bien .décidée. Encouragé par ce succès, il proposa au club une épuration générale de ses membres: chacun devait être soumis à un examen relatif à sa conduite passée, et n’être conservé dans l’association que s’il en était reconnu digne après cette épreuve.

(1) Discussions des Jacobins, 25 mai 1794.