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PROCÈS DE LOUtS XVI. ~1

prévoyait que trop quelle serait l’issue de son procès. La première nouvelle de la sentence lui fut apportée par un de ses défenseurs, le vénérable Malesherbcs, qui fondit en larmes en l’abordant. Le roi l’embrassa avec beaucoup de calme. <f La mort ne m’effraye pas, lui dit-il, je me confie en la miséricorde du ciel. Cette disposition d’esprit ne l’abandonna plus; il conserva un calme inaltérable, sans douleur, sans colère, presque gai parfois. Quant à ce qui le concernait personnellement, il avait déjà depuis longtemps renoncé à toutes les espérances, à toutes les joies de la terre. « Je ne crains pas la mort, disait-il à gon valet de chambre Cléry; mais je frémis quand je pense à la reine et à mes pauvres enfants, II parvint enfin à surmonter également cette angoisse; il trouva même dans son âme un profond sentiment de pitié pour cette nation qui l’avait jeté aux mains de ses bourreaux. cç Je vois, disait-il, les crimes se succéder en grand nombre, je vois des haines sans fin déchirer la France, u II traversa enfin la plus amère, la suprême douleur, le dernier adieu à sa famille, qu’il laissait sans défense et sans protecteurs entre des mains barbares, Une, scène déchirante eut lieu alors, explosion des désespoirs amassés depuis si longtemps. Ce ne fut, pendant deux heures, qu’un seul et long embrassement entrecoupé de sanglots. t Enfin, ceci encore est surmonté! dit-il ensuite. <( Pourquoi faut-il aimer et être aimé au milieu de telles douleurs? Ne pensons plus maintenant qu’à la seule chose nécessaire, à notre salut éternel, t Après un paisible sommeil, il se réveilla le 21 avec le sentiment d’une grande faiblesse physique, et supportant avec peine le froid de la matinée mais ’s il se fortifia promptement en élevant ses pensées vers le Dieu d’éternelle justice, et, sans se laisser troubler par les grossières insultes de ses gardiens, il monta, après avoir levé une dernière fois les yeux vers les fenêtres de la reine/dans la voiture qui devait le conduire à l’écliafaud.

Le roi fut, ce jour-là, le seul homme dans Paris qui possédât la paix au fond de son coeur. Les plus modérés d’entre les partisans de la Révolution se courbaient sous le poids de leur conscience, la Gironde prévoyait sa propre perte, les Jacobins frémissaient de colère en se voyant isolés au milieu de leur joie triomphante. Pendant tout le jour, les magasins restèrent fermés;