Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/216

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effrayant la résistance ; et si un parent, si un père défendait sa famille, ils exerçaient sur elle la violence, le rapt, toutes les brutalités d’un vainqueur sur ses captifs.

Idée saugrenue de Togonius Gallus
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A Rome, au commencement de cette année, comme si les crimes de Livie, punis depuis longtemps, eussent été récemment découverts, on proposait encore des arrêts flétrissants contre ses images et sa mémoire. On voulait aussi que les biens de Séjan fussent enlevés au trésor public et donnés à celui du prince, comme si le choix importait. Ces avis, les Scipions, les Silanus, les Cassius, qui ne faisaient guère que répéter les paroles l’un de l’autre, les exprimaient avec beaucoup de feu lorsque Togonius Gallus, en essayant d’associer son obscurité à de si grands noms, se couvrit de ridicule. Il priait Tibère de choisir des sénateurs, dont vingt, désignés par le sort et armés d’un glaive, veilleraient à sa sûreté toutes les fois qu’il viendrait au sénat. Togonius avait sans doute cru sincère une lettre où le prince demandait l’escorte d’un des consuls, pour venir sans péril de Caprée à Rome. Tibère, qui savait mêler le sérieux à la dérision, rendit grâces au sénat de sa bienveillance ; "mais qui exclure ? qui choisir ? Prendrait-on toujours les mêmes ou de nouveaux tour à tour ? des vieillards qui eussent passé par les charges ou des jeunes gens ? des hommes privés ou des magistrats ? D’ailleurs, quel spectacle que celui de sénateurs mettant l’épée à la main pour entrer au conseil ! Il estimait peu la vie, s’il fallait la défendre par les armes." C’est ainsi qu’il combattit Togonius en termes très mesurés, et conseillant seulement de rejeter sa proposition.

Autre idée de Junius Gallio
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Quant à Junius Gallio, qui avait proposé que les prétoriens vétérans eussent le droit de s’asseoir, au théâtre, sur les quatorze rangs de sièges destinés aux chevaliers, il lui fit une violente réprimande, lui demandant, comme s’il eût été devant lui, "ce qu’il avait de commun avec les soldats ; s’il était juste que ceux-ci reçussent les ordres de l’empereur et leurs récompenses d’un autre. Pensait-il donc avoir trouvé dans son génie quelque chose qui eût échappé à la prévoyance d’Auguste ? ou plutôt, complice de Séjan, ne cherchait-il pas une occasion de discorde et de trouble, en soufflant dans des esprits grossiers une ambition qui ruinerait la discipline ? " Voilà ce que valut à Gallion cette recherche de flatterie. Chassé sur-le-champ du sénat, ensuite de l’Italie, on trouva que son exil serait trop doux dans l’île célèbre et agréable de Lesbos, qu’il avait choisie pour retraite ; on l’en tira pour l’emprisonner à