Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/220

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grande puissance de servir ou de nuire. Cette puissance, ces honneurs, on ne peut nier que Séjan ne les ait possédés. Vouloir deviner les secrètes pensées du prince et ses desseins cachés, est illicite, dangereux ; le succès d’ailleurs manquerait à nos recherches. Pères conscrits, ne considérez pas le dernier jour de Séjan ; pensez plutôt à seize ans de sa vie. A cause de lui, Satrius même et Pomponius obtinrent nos respects. Être connu de ses affranchis, des esclaves qui veillaient à sa porte, fut réputé un précieux avantage. Que conclure de ces réflexions ? qu’elles donnent également l’innocence à tous les amis de Séjan ? non, sans doute ; il faut faire une juste distinction : que les complots contre la république et les attentats à la vie du prince soient punis ; mais qu’une amitié qui a fini, César, en même temps que la tienne, nous soit pardonnée comme à toi."

   2. Allusion à l’union arrêtée anciennement entre la fille de Séjan et le fils de Claude, et à celle que Tibère avait promise à Séjan lui-même avec une femme de sa famille, sans doute avec sa bru Livie.
Lèse-majesté
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La fermeté de ce discours, et la joie de trouver un homme dont la bouche proclamât ce qui était dans toutes les âmes, eurent tant de pouvoir, que ses accusateurs, dont on rappela en même temps les crimes passés, furent punis par la mort ou l’exil. Tibère écrivit ensuite contre Sext. Vestilius, ancien préteur, autrefois cher à Drusus son frère, et à ce titre admis par lui-même dans sa familiarité. La disgrâce de Vestilius fut causée par un écrit injurieux aux mœurs de Caïus, qu’il avait composé ou dont peut-être on l’accusa faussement. Banni pour ce crime de la table du prince, ce vieillard essaya sur lui-même un fer mal assuré, puis se referma les veines, écrivit une lettre suppliante, et, n’ayant reçu qu’une réponse dure, se les ouvrit de nouveau. Après lui furent poursuivis en masse, pour lèse-majesté, Annius Pollio, auquel on joignait son fils Vinicianus, Appius Silanus, Mamercus Scaurus, et Sabinus Calvisius, tous illustres par leur naissance, quelques-uns par l’éclat des premières dignités. Les sénateurs tremblèrent d’épouvante. Lequel d’entre eux ne tenait pas, soit par l’alliance, soit par l’amitié, à tant d’accusés d’un si haut rang ? Toutefois, l’un des dénonciateurs, Celsus, tribun d’une cohorte urbaine, en sauva deux, Appius et Calvisius. Tibère différa le procès de Pollio, de Vinicianus et de Scaurus, se réservant de l’instruire lui-même avec le sénat. Sa lettre contenait sur Scaurus quelques mots d’un sinistre augure.

L’hécatombe
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Les femmes même n’étaient pas exemptes de danger. Ne pouvant leur imputer le dessein d’usurper l’empire, on accusait leurs larmes. La mère de Fufius Géminus, Vitia, d’un âge