Page:Taine - Essai sur Tite Live, 1888.djvu/279

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« Du moins le dictalciir le prit de telle sorte (jue, tandis que les autres se réjouissaient de la victoire gagnée, il en montra de la colère et du chagrin. Il congédia donc brusquement le sénat, et sortit précipitamment de la curie, répétant que les légions des Samnites, moins que la majesté dictatoriale et la discipline militaire, étaient vaincues et renversées par le maître de la cavalerie, si, après avoir méprisé son autorité, il demeurait impuni. Aussi, plein de colère et de menaces, il partit pour le camp ; mais, quoiqu’il allât à grandes journées, il ne put prévenir le bruit de son arrivée. Car plusieurs de la ville l’avaient devancé en toute hâte, annonçant que le dictateur venait avide de châtiments et louant l’action de Manlius presque à chaque parole. »

Le discours qui suit manque peut-être de naturel. Il est de Tite Live et non de Fabius. Mais quel art pour irriter et envenimer les passions, pour joindre la cause du général à celle des soldats, pour rendre le dictateur odieux !

« Fabius, ayant aussitôt convoqué les soldats en assemblée, les conjure d’employer le courage avec lequel ils ont défendu la république contre ses ennemis les plus acharnés, pour le proléger, lui, sous les auspices de qui ils ont vaincu, contre la cruauté efîrénée du dictateur. Il vient, égaré par l’envie, irrité contre la vertu et le bonheur