Page:Taine - Essai sur Tite Live, 1888.djvu/280

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des autres, furieux de ce que, lui absent, la république a été bien servie. Il aimerait mieux, s’il pouvait changer la fortune, que la victoire fût aux’Samnites qu’aux Romains. Il répète que son autorité a été méprisée, comme s’il n’avait pas défendu de combattre dans le môme esprit qu’il s’afflige qu’on ait combattu. Alors c’était par envie qu’il avait tenté d’enchaîner le courage des autres et qu’il avait voulu ôter les armes à des soldats impatients de s’en servir, pour que, en son absence, ils ne pussent seulement remuer. Maintenant il est furieux, il est désolé que, sans L. Papirius, les soldats aient eu des armes et des bras, que Q. Fabius se soit cru général de la cavalerie et non valet[1] du dictateur. Qu’aurait-il fait si, comme le hasard de la guerre et Mars, dieu des deux armées, pouvaient l’ordonner, le combat eût été malheureux, puisque, les ennemis étant vaincus et la république bien servie, si bien que lui, ce chef unique, n’eût pu mieux la servir, il menace du supplice le maître de la cavalerie ? Ce n’est pas qu’il soit plus ennemi du maître de la cavalerie que des tribuns des soldats, que des centurions, que des soldats. S’il le pouvait, il se vengerait sur tous ; ne le pouvant, il se venge sur un seul. Mais l’envie, comme la flamme, se

  1. Mot à mot : un accensus.