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LIVRE II. LA RENAISSANCE.

VI. Les personnages virils. — Les passions furieuses. — Les événements tragiques. — Les caractères excessifs. — Le duc de Milan de Massinger. — L'Annabella de Ford. — La duchesse de Malfi et la Vittoria de Webster. — Les personnages féminins. — Conception germanique de l’amour et du mariage. — Euphrasia, Bianca, Aretliusa, Ordella, Aspasia, Amoret dans Beaumont et Fletcher. — Penthea dans Ford. — Concordance du type moral et du type physique.

Il faut regarder de plus près ce monde, et, sous les idées qui se développent, chercher les hommes qui vivent ; c’est le théâtre qui, par excellence, est le fruit original de la Renaissance anglaise, et c’est le théâtre qui, par excellence, rendra visibles les hommes de la Renaissance anglaise. Quarante poètes, parmi eux dix hommes supérieurs, et le plus grand de tous les artistes qui avec des mots ont représenté des âmes ; plusieurs centaines de pièces et près de cinquante chefs-d’œuvre ; le drame promené à travers toutes les provinces de l’histoire, de l’imagination et de la fantaisie, élargi jusqu’à embrasser la comédie, la tragédie, la pastorale et le rêve ; jusqu’à représenter tous les degrés de la condition humaine et tous les caprices de l’invention humaine ; jusqu’à exprimer toutes les minuties sensibles de la vérité présente et toutes les grandeurs philosophiques de la réflexion générale ; la scène dégagée de tout précepte, affranchie de toute imitation, livrée et appropriée jusque dans ses moindres parties au goût régnant et à l’intelligence publique : il y avait là une œuvre énorme et multiple, capable par sa flexibilité, sa grandeur et sa forme, de recevoir et de garder l’empreinte exacte du siècle et de la nation.

. The very age and body of the time, his form and pressure. (Shakespeare.)