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L’ANCIEN RÉGIME


leur modération. Contre leurs débordements et leurs dévastations, il a fallu installer une force égale à leur force, graduée selon leur degré, d’autant plus rigide qu’elles sont plus menaçantes, despotique au besoin contre leur despotisme, en tout cas contraignante et répressive, à l’origine un chef de bande, plus tard un chef d’armée, de toutes façons un gendarme élu ou héréditaire, aux yeux vigilants, aux mains rudes, qui, par des voies de fait, inspire la crainte et, par la crainte, maintienne la paix. Pour diriger et limiter ses coups, on emploie divers mécanismes, constitution préalable, division des pouvoirs, code, tribunaux, formes légales. Au bout de tous ces rouages apparaît toujours le ressort final, l’instrument efficace, je veux dire le gendarme armé contre le sauvage, le brigand et le fou que chacun de nous recèle, endormis ou enchaînés, mais toujours vivants, dans la caverne de son propre cœur.

Au contraire, dans la théorie nouvelle, c’est contre le gendarme que tous les principes sont promulgués, toutes les précautions prises, toutes les défiances éveillées. Au nom de la souveraineté du peuple, on retire au gouvernement toute autorité, toute prérogative, toute initiative, toute durée et toute force. Le peuple est souverain, et le gouvernement n’est que son commis, moins que son commis, son domestique. — Entre eux « point de contrat » indéfini ou au moins durable, « et qui ne puisse être annulé que par un consentement mutuel ou par l’infidélité d’une des deux parties ». — « Il est contre la nature du corps politique que le souverain s’impose une loi