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LA RÉVOLUTION


geois, Froment de Nîmes[1]. Mais, au moment de l’action, sur dix-huit compagnies qu’il croyait acquises à sa cause, il ne s’en trouve que trois pour marcher avec lui. Les autres restent au logis, jusqu’à ce que, Froment vaincu, on vienne les égorger à domicile, et les survivants qui se sauvent à Jalès y trouvent non une place forte, mais un asile temporaire, où ils ne parviennent jamais à transformer leurs velléités en volontés[2]. — Eux aussi, comme les autres Français, les nobles ont subi la longue pression de la centralisation monarchique. Ils ne font plus un corps, ils ont perdu l’instinct d’association. Ils ne savent plus agir d’eux-mêmes, ils sont des administrés, ils attendent l’impulsion du centre, et, au centre, le roi, leur général héréditaire, captif du peuple, leur commande de se résigner, de ne rien faire. D’ailleurs, comme les autres Français, ils ont été élevés dans la philosophie du dix-huitième siècle : « La liberté est si précieuse, écrivait le duc de Brissac[3], qu’il faut bien l’acheter par quelques peines ; la féodalité détruite n’empêchera pas d’être respecté et

  1. Mémoire de M. de Mérilhou pour Froment, passim. — Rapport de M. Alquier, 54. — Dampmartin, I, 208.
  2. Dampmartin, I, 208. Ils disaient aux paysans catholiques : « Allons, mes enfants, vive le Roi ! » — Cris d’enthousiasme. — « Ces scélérats de démocrates, il faut en faire un exemple, rétablir les droits sacrés du trône et de l’autel. » — « Comme vous voudrez, répliquaient les campagnards dans leur patois ; mais il faut garder la Révolution, car là dedans il y a de bonnes choses. » — Ils se tiennent en repos, refusent de marcher au secours d’Uzès et rentrent dans leurs montagnes à la première approche de la garde nationale.
  3. Dauban, la Démagogie à Paris, 598. Lettre de M. de Brissac, 25 août 1789.