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LA RÉVOLUTION


droits seigneuriaux ; mais, en vertu de la même loi, leurs terres sont affranchies de la dîme. Ils n’auront pas les places dans l’élection populaire, mais ils ne les avaient pas sous l’arbitraire ministériel. Ministériel ou populaire, peu leur importe que le pouvoir ait changé de main ; ils ne sont pas habitués à ses faveurs, et ils continueront leur vie ordinaire, chasse, promenades, lectures, visites, conversations, pourvu qu’ils trouvent, comme le premier venu, comme l’épicier du coin, comme leur valet de ferme, protection, sûreté, sécurité, sur la voie publique et dans leur logis[1].

II

Par malheur, la passion populaire est une puissance aveugle, et faute de lumières elle se laisse guider par ses visions. Les imaginations travaillent, et travaillent conformément à la structure de la cervelle échauffée qui les enfante. Si l’ancien régime revenait ! S’il nous fallait rendre les biens du clergé ! Si nous étions obligés de nouveau de payer la gabelle, les aides, la taille, les redevances que grâce à la loi nous ne payons plus, et

  1. Mercure de France, n° du 3 septembre 1791. « Qu’on nous présente la liberté, et toute la France sera à genoux devant elle ; mais les cœurs nobles et fiers résisteront éternellement à l’oppression qui se couvre de ce masque sacré. Ils invoqueront la liberté, mais la liberté sans crimes, la liberté qui se soutient sans cahots, sans inquisiteurs, sans incendiaires, sans brigands, sans serments forcés, sans coalitions illégales, sans supplices populaires ; la liberté enfin qui ne laisse impuni aucun oppresseur et qui n’écrase pas les citoyens paisibles sous le poids des chaînes qu’elle a brisées. »