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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


À la fin de janvier 1792, « sur 40 911 municipalités, 5448 seulement ont déposé leurs matrices, 2560 rôles seulement sont définitifs et en recouvrement. Un grand nombre n’ont pas même commencé leurs états de sections[1] ». — C’est bien pis quand ils croient avoir compris et se mettent en devoir d’appliquer. Dans leur esprit incapable d’abstractions, la loi se transforme et se déforme par des interprétations extraordinaires. On verra ce qu’elle y devient quand il s’agit des droits féodaux, des forêts, des communaux, de la circulation des blés, du taux des denrées, de la surveillance des aristocrates, de la protection des personnes et des propriétés. Selon eux, elle les autorise et les invite à faire de force et à l’instant tout ce dont ils ont besoin ou envie pour le moment. — Plus affiné, et capable le plus souvent d’entendre les décrets, l’officier municipal des gros bourgs et des villes n’est guère plus en état de les bien mettre en pratique. Sans doute il est intelligent, plein de bonne volonté, zélé pour le bien public. En somme, pendant les deux premières années de la Révolution, c’est la portion la plus instruite et la plus libérale de la bourgeoisie qui, à la municipalité comme au département et au district, arrive aux affaires. Presque tous sont des hommes de loi, avocats, notaires, procu-

  1. Moniteur, XI, 283, séance du 2 février 1792, discours de Cambon : « Ils s’en retournent croyant entendre ce qu’on leur a bien expliqué, mais reviennent le lendemain pour recevoir de nouvelles explications. Des avoués refusent de se rendre sur les lieux pour diriger les municipalités, disant qu’ils n’y entendent rien. »