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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


juges au civil, 5000 de juges de paix, 20 000 d’assesseurs aux juges de paix, 40 000 de percepteurs communaux, 46 000 de curés, sans compter les emplois accessoires ou infimes qui sont par dizaines et par centaines de mille, depuis les secrétaires, greffiers, huissiers et notaires, jusqu’aux gendarmes, recors, garçons de bureau, bedeaux, fossoyeurs, gardiens de séquestre. La pâture est immense pour les ambitieux ; elle n’est pas mince pour les besogneux, et ils la saisissent. — Telle est la règle dans la démocratie pure : c’est ainsi que pullule aux États-Unis la fourmilière des politicians. Quand la loi appelle incessamment tous les citoyens à l’action politique, quelques-uns seulement s’y adonnent. Dans cette œuvre spéciale, ceux-ci deviennent spéciaux, par suite prépondérants. Mais, en échange de leur peine, il leur faut un salaire, et l’élection leur donne les places, parce qu’ils ont manipulé l’élection.

Deux sortes d’hommes recrutent cette minorité dominante : d’une part les exaltés, et de l’autre les déclassés. Vers la fin de 1789, les gens modérés, occupés, rentrent au logis, et, chaque jour, sont moins disposés à en sortir. La place publique appartient aux autres, à ceux qui, par zèle et passion politique, abandonnent leurs affaires, et à ceux qui, comprimés dais leur case sociale ou refoulés hors des compartiments ordinaires, n’attendaient qu’une issue nouvelle pour s’élancer. — En ce temps d’utopie et de révolution, ni les uns ni les autres ne manquent. Lancé à pleines poignées, le dogme de la souveraineté populaire est tombé, comme