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LA RÉVOLUTION


une semence, à travers l’espace, et a végété dans les têtes chaudes, dans les esprits courts et précipités, qui, une fois pris par une pensée, y demeurent clos et captifs, chez les raisonneurs qui, partis d’un principe, foncent en avant comme un cheval à qui on a mis des œillères, notamment chez les gens de loi qui, par métier, sont habitués à déduire, chez le procureur de village, le moine défroqué, le curé intrus et excommunié, surtout chez le journaliste ou l’orateur local, qui, pour la première fois, trouve un auditoire, des applaudissements, un ascendant et un avenir. Il n’y a qu’eux pour faire le travail compliqué et perpétuel que comporte la nouvelle Constitution ; car il n’y a qu’eux dont les espérances soient illimitées, dont le rêve soit cohérent, dont la doctrine soit simple, dont l’enthousiasme soit contagieux, dont les scrupules soient nuls et dont la présomption soit parfaite. Ainsi s’est forgée et trempée en eux la volonté raidie, le ressort intérieur qui, chaque jour, se bande davantage et les pousse vers tous les postes de la propagande et de l’action. — Pendant la seconde moitié de 1790, on les voit partout, à l’exemple des Jacobins de Paris et sous le nom d’amis de la Constitution, se grouper en sociétés populaires. Dans chaque ville ou bourgade naît un club de patriotes, qui, tous les soirs ou plusieurs soirs par semaine, s’assemblent « pour coopérer au salut de la chose publique[1] ».

  1. Constant, Histoire d’un club jacobin en province (Fontainebleau), p. 15. (Procès-verbaux de la fondation des clubs de Moret, Thomery, Nemours, Montereau.)