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LES GOUVERNANTS


« dans les poux, paye une chambre 1500 livres par mois, et, de plus, il a fallu qu’il, donnât 2000 livres de pot-de-vin en y entrant. Pareille chose est arrivée à bien d’autres, et encore n’ose-t-on en parler que tout bas[1]. » Malheur à l’imprudent qui, ne s’étant jamais occupé des affaires publiques, se fie à son innocence, écarte le courtier officieux et ne finance pas tout de suite : pour avoir refusé ou offert trop tard les 100 000 écus qu’on lui demandait, le notaire Brichard mettra la tête « à la fenêtre rouge ». — Et j’omets les rapines ordinaires, le vaste champ offert à la concussion par les inventaires, les séquestres et les adjudications innombrables, par l’énormité des fournitures, par la rapidité des achats ou des livraisons, par le gaspillage des deux millions de francs que, chaque semaine, le gouvernement donne à la Commune pour approvisionner la capitale, par la réquisition des grains, qui fournit à quinze cents hommes de l’armée révolutionnaire l’occasion de rafler, jusqu’à Corbeil et à Meaux, les fermes du voisinage et de se garnir les mains selon le procédé des chauffeurs[2]. — Avec le personnel que l’on sait, rien d’étonnant dans ces vols anonymes. Babeuf, le faussaire

  1. Dauban, ib., 36 et 48 (Affaire du notaire Brichard).
  2. Cf. la Révolution, VI, 177 et 178. — Mercier, Paris pendant la Révolution, I, 351. — Moniteur, XVIII, 663 (séance du 24 frimaire. Discours de Lecointre à la Convention). — Sur les vols et pots-de-vin, cf., entre autres documents, les Mémoires sur les prisons, I, 290 : (80 000 francs de pots-de-vin donnés aux administrateurs de la police par le traiteur Périnal, pour avoir la fourniture des repas aux détenus de Saint-Lazare).