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LA RÉVOLUTION


ans dans toutes les villes, telle cité de 20 000 âmes ou, en vingt-trois mois, le vingtième de la population meurt à l’hôpital, l’encombrement des indigents aux portes de chaque maison de secours, la file des civières qui entrent, la file des cercueils qui sortent, les hospices dépouillés de leurs biens, surchargés de malades, hors d’état de nourrir leur troupeau d’enfants abandonnés, ces enfants à jeun, desséchés dans leur berceau dès les premières semaines, pâles et « le visage ridé comme celui d’un vieillard », la maladie de la faim qui aggrave et abrège toutes les autres, les longues angoisses de la vie tenace qui persiste à travers la douleur et s’obstine à ne pas s’éteindre, l’agonie finale dans un galetas ou dans un fossé. Puis, mettez en regard le petit cercle des Jacobins survivants et triomphants, qui, ayant su se placer au bon endroit, entendent y rester, coûte que coûte. — Vers dix heures du matin, au pavillon de l’Égalité, dans la salle du Comité de Salut public, on voit arriver Cambacérès, président[1] : c’est ce gros homme circonspect et fin qui, plus tard archi-chancelier de l’Empire, sera célèbre par ses inventions de gourmet et par d’autres goûts singuliers, renouvelés de l’antique. À peine assis, il fait mettre dans l’âtre de la cheminée un ample pot-au-feu et placer sur la table

    ton-Château à perdu les deux tiers de sa population, Bressuire est tombé de 3000 à 630 habitants, Lyon, après le siège, a baissé de 130 000 à 80 000 habitants. (Analyse des procès-verbaux des Conseils généraux, et Statistiques des préfets.)

  1. La Révellière de Lépeaux, Mémoires, I, 248. (Il est du Comité et témoin oculaire.)