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LA RÉVOLUTION


du Manège, les Jacobins rouvrent leur club, sous leur ancien nom ; deux directeurs et cent cinquante membres du Corps législatif y fraternisent avec « ce que la lie du peuple fournit de plus vil et de plus dégoûtant ». On y fait l’éloge de Robespierre et de Babeuf lui-même ; on y demande la levée en masse et le désarmement des suspects. « À la résurrection des piques ! s’écrie Jourdan dans un toast ; puissent-elles entre les mains du peuple écraser tous ses ennemis ! » Du haut de la tribune aux Cinq-Cents, le même Jourdan propose de déclarer « la patrie en danger », et, autour des représentants qui hésitent, la canaille politique et délibérante, les vieux aboyeurs de la rue et des tribunes, hurlent et menacent, comme en 1793.

Est-ce donc le régime de 1793 qui va s’implanter en France ? — Non pas même celui-là. Tout de suite après la victoire, les vainqueurs du 30 prairial se sont séparés en deux camps ennemis, qui se surveillent les armes à la main, se retranchent et font des sorties l’un contre l’autre : d’un côté, les simples bandits et la dernière populace, la queue de Marat, les monomanes incorrigibles, les orgueilleux têtus que l’amour-propre attache

    les plus importantes, qui font trembler, surtout dans ce moment-ci, tous ceux qui sont véritablement attachés à la patrie. » — « L’ouverture des clubs doit, sous tous les rapports, être regardée comme un événement désastreux… Toutes les classes de la société ont été saisies d’une véritable terreur panique, dès qu’on a pu entrevoir la moindre probabilité de rétablir un gouvernement républicain calqué sur celui de 1793… » — « Le parti de ces incendiaires politiques est toujours le seul en France qui poursuive ses desseins avec énergie et conséquence. »