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LA FIN DU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


à leurs crimes et qui recommenceraient plutôt que de s’avouer coupables, les sots dogmatiques, qui vont toujours en avant, les yeux clos, ayant tout oublié et n’ayant rien appris ; de l’autre côté, les hommes qui ont encore le sens commun, et qui ont un peu profité de leur expérience, qui savent à quoi conduit le gouvernement des clubs et des piques, qui ont peur pour eux-mêmes et ne veulent pas recommencer, étape par étape, la course folle dans laquelle, à chaque étape, ils ont failli périr : d’un côté, deux membres du Directoire, la minorité des Anciens, la majorité des Cinq-Cents et la plus basse plèbe parisienne ; de l’autre côté, la majorité des Anciens, la minorité des Cinq-Cents, et trois membres du Directoire, ceux-ci servis par leur personnel exécutif[1]. — Laquelle des deux troupes écrasera l’autre ? Nul ne le sait ; car la plupart sont prêts à passer d’un camp dans l’autre camp, selon que les chances de succès y deviennent plus ou moins grandes ; du jour au lendemain, aux Cinq-Cents, aux Anciens, dans le Directoire, telle défection, prévue ou imprévue, peut changer la minorité en majorité. Où sera demain la majorité ? De quel côté viendra le coup d’État prochain ? Qui le fera ?

  1. Léouzon-Leduc, ib., 328, 329 (Dépêches du 19 et du 23 septembre). — Mallet du Pan, Mercure britannique, n° du 25 octobre 1799 (Lettre de Paris, 15 septembre ; exposé de la situation et tableau des partis) : « J’ajouterai que la guerre que le Directoire fait avec succès contre les Jacobins (car, quoique le Directoire soit lui-même un produit jacobin, il ne veut plus de ses maîtres), que cette guerre, dis-je, a un peu rallié les esprits au gouvernement, sans avoir converti personne à la Révolution, ou véritablement effrayé les Jacobins, qui le lui revaudront, s’ils en ont le temps. »