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LA RÉVOLUTION


poser des municipalités suspectes[1]. — Ainsi descend et s’épand le Jacobinisme, d’étage en étage, depuis le centre parisien jusqu’aux moindres et plus lointaines communes : sur toute la province incolore ou de couleur incertaine, l’administration importée ou imposée met sa tache rouge.

Mais ce n’est qu’une tache, à la superficie ; car les sans-culottes ne veulent confier les places qu’aux hommes de leur espèce, et en province, surtout dans les campagnes, ces hommes sont rares. Selon le mot d’un représentant, il y a « disette de sujets ». — À Mâcon, Javogues a beau faire[2], il ne trouve au club que « des fédéralistes déguisés » ; « le peuple, dit-il, ne veut pas ouvrir les yeux : je crois que cet aveuglement tient au physique du pays, qui est fort riche ». Naturellement, il tempête et destitue ; mais, jusque dans le comité révolutionnaire, on ne présente à son choix que des candidats douteux ; il ne sait comment s’y prendre

    Troyes (prairial an II), pour constater la quantité des approvisionnements).

  1. Par exemple à Bordeaux et à Troyes. — Archives nationales, F7, 4421, Registre du comité révolutionnaire de Troyes, F0 164). Deux membres du comité se transportent dans la commune de Lusigny, destituent le maire et le juge de paix, et nomment à la place de ce dernier « le ci-devant curé du pays, lequel a abjuré, il y a quelque temps, le fanatisme sacerdotal ». — (Archives des affaires étrangères, tome 332, Lettre de Desgranges, Bordeaux, 15 brumaire an II.) Les représentants viennent d’instituer « un comité révolutionnaire de surveillance, composé de douze membres choisis avec le plus grand soin ; tous les comités établis dans le département sont tenus de correspondre avec lui et d’obéir à ses réquisitions. »
  2. Archives nationales, AF, II, 58 (Lettre de Javogues à Collot d’Herbois, 28 brumaire an II).