Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/101

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définir une de ses parties. Telle erreur métaphysique a son premier ressort dans telle disposition littéraire. Ce n’est plus assez aujourd’hui de réfuter une doctrine, il faut encore la comprendre, et il est plus utile de décrire un homme à la façon des naturalistes que de le combattre à la façon des logiciens. Observons celui-ci, cherchons quelle est sa faculté maîtresse, comment elle a formé son génie, comment elle s’est développée, selon quelle ligne droite ou courbe. Nous ne cherchons pas autre chose, et il nous semble que nous allons parler d’un homme mort il y a deux mille ans.

I


C’est au style qu’on juge un esprit. C’est le style qui dévoile sa qualité dominante. C’est le style qui, en donnant la mesure de sa force et de sa faiblesse, fait prévoir ses mérites et ses erreurs. Car qu’est-ce que le style, sinon le ton habituel ? Et qui détermine ce ton, sinon l’état ordinaire de l’esprit ? Donc, sitôt qu’on le connaît, on connaît une cause toute-puissante, puisqu’elle agit toujours, et toujours dans le même sens. On sait si l’esprit est mesuré ou précipité, net ou obscur, systématique ou décousu, et jusqu’à quel degré. Ce sont donc de grands signes que le choix des mots, la longueur et la briè-