Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/104

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nous créons nos actions, « qu’il crée parce qu’il est une force créatrice absolue, et qu’une force créatrice absolue ne peut pas ne pas passer à l’acte. » On se souvient encore de la manière dont il absolvait l’industrie, la guerre, la philosophie, la géographie, et beaucoup d’autres choses. C’étaient de grandes revues passées à tire-d’aile ; le philosophe, appuyé sur le fini, l’infini et leur rapport, se tenait partout en équilibre. Les auditeurs ravis admiraient la rapidité de ses courses et la dextérité de ses manœuvres. Mais qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Combien de ces idées M. Cousin défendrait-il encore ? Combien en garde-t-il dans son livre définitif, le Vrai, le Beau et le Bien ? De ce monument, que subsiste-t-il, sinon un exemple d’éloquence, un modèle de composition, une preuve que son talent consiste, non à découvrir des vérités durables, mais à exposer des idées probables, et qu’il est moins philosophes qu’orateur ?

Aussi, lorsqu’on veut admirer son style, ce n’est point dans de hautes spéculations métaphysiques qu’il faut l’étudier, mais dans la discussion des vérités moyennes. Les vérités moyennes sont celles qui appartiennent à la conversation et non à la science, qui sont du domaine de tous et non du domaine de quelques-uns, qu’on entend et qu’on aime, non parce qu’on est un homme spécial, mais parce qu’on est un homme bien élevé : telles