Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/110

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et, ce qui vaut mieux, sa justice, et, ce qui vaut mieux encore, sa bonté. » La première phrase touche au sublime ; la seconde descend presque jusqu’au laisser-aller. Ce passage subit à un ton si différent montre que l’orateur est dans son naturel, qu’il a trouvé son genre, et que son sujet est d’accord avec son talent. Car c’est l’union de ces deux qualités qui fait l’éloquence. Si l’on est toujours noble, on ennuie et on finit par avoir l’air d’un charlatan ; il faut dans le discours que la familiarité vienne tempérer la noblesse, reposer l’auditeur et accréditer l’orateur. Si le ton est toujours familier, on ne s’empare point des esprits, on ne fait que les amuser et les instruire ; il faut que la noblesse vienne relever la familiarité, et que l’auditeur maîtrisé sente et respecte l’autorité de l’orateur.

Considérez maintenant le choix des mots et l’espèce des métaphores. Ce sont les termes du dix-septième siècle, exacts, nobles, tirés de la langue générale, ni techniques, ni abstraits. Ce sont ces métaphores modérées, à peine sensibles, qui n’interviennent que pour éclairer la raison, ou pour élever de temps en temps et d’un degré seulement le ton ordinaire. Il y a de la force dans ce mot : « Qui leur a montré par delà les limites et sous le voile de l’univers ? » Il y a une grâce touchante dans cette phrase : « L’âme immatérielle, intelli-