Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/134

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que je n’ai le droit d’insulter personne, mais j’ai le droit de n’être insulté par personne. Je salue M. Jourdain, mais je suis salué par Dorante. Cela est plus agréable que de recevoir des coups de pied de Dorante et d’en donner à M. Jourdain.

Un dernier effet de l’inégalité est la haine de la loi. Car la loi fonde l’égalité, en soumettant les mêmes fautes aux mêmes peines. Ceux qui profitent de l’inégalité sont ses ennemis naturels, et, pour défendre de toute atteinte l’inégalité et l’injustice, ils font la guerre à la justice et au droit. Cette aristocratie, si admirée par M. Cousin, a fait quatre révoltes contre Marie de Médicis, pour avoir des titres, des charges, des pensions. La régente était faible, il s’agissait « de se bien faire valoir » et de prendre la plus grosse part possible du trésor public. C’était la mendicité à main armée, la guerre entreprise contre l’intérêt public, le vol pratiqué contre l’État par les défenseurs naturels de l’État. Richelieu les fit ployer à grand’peine, et il fallut le bourreau pour leur enseigner le respect de la patrie. Ce qu’il y a de merveilleux, c’est qu’entre les mains des juges, ils s’étonnaient et s’indignaient encore de l’insolence de la loi. Le maréchal de Marillac, traduit en justice pour avoir volé son armée, ne pouvait revenir de sa surprise : « Dans mon procès, disait-il, il s’agit de paille, de foin, de briques. Belle affaire pour un homme de ma qualité ? il n’y