Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/14

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produire un système ; je n’ai fait qu'indiquer une direction. Un seul point a été traité, et, comme il est capital, je demande la permission de le marquer ici.

Il y a toute une classe de choses, substances, essences, causes, natures, forces, qu'on nomme êtres métaphysiques, et qui, en effet, sont la matière de la métaphysique. Tous ces noms se réduisent à un, qui est celui de cause ; car ils désignent tous je ne sais quoi d’inconnu et d’intime, qui produit et explique les propriétés et les changements des objets. La science a pour but de trouver la cause de chaque objet et la cause des causes qui est celle de l’univers. C'est pourquoi, si vous entendez par cause une certaine chose, vous aurez une certaine idée de l’univers et de la science, et si vous entendez par cause une chose différente, vous aurez une idée différente de la science et de l'univers.

Deux philosophies principales subsistent aujourd’hui en France et se retrouvent avec des petites nuances en Allemagne et en Angleterre : l’une à l’usage des lettrés ; l’autre à l’usage des savants ; l’une qui s'appelle chez nous le spiritualisme ; l’autre qui s’appelle chez nous le positivisme. Voici leur doctrine sur les causes, en quelques mots.

Les spiritualistes (j’entends ceux qui pensent) considèrent les causes ou forces comme des êtres distincts, autres que les corps et les qualités sensibles, semblables à la force intérieure que nous appelons en nous volonté, tellement qu'au-dessous du monde étendu, palpable et visible, il y a un monde invisible, intangible, incorporel, qui produit l’autre et le soutient.

Les positivistes considèrent les causes ou forces, no-