Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/167

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peut la prédire ; car elle ne dépend ni des faits ni des analyses. Son premier principe est d’édifier les honnêtes gens, et de convenir aux pères de famille. C’est là pour elle l’unique marque du vrai. Une doctrine a-t-elle ce caractère, elle l’accepte. Ne l’a-t-elle pas, elle la rejette. Les observations et les analyses sont de simples accessoires qu’elle emploie pour se donner un faux air de science, et sur lesquels elle ne s’appuie pas.

Commençons par la question de la certitude. Elle est résolue d’avance. Le scepticisme absolu, le scepticisme modéré, tout scepticisme est immoral. Si l’on doute sur un point, on peut douter sur tous les autres ; et rien de plus dangereux pour la pratique. Nous rejetons donc tous les systèmes qui nient ou affaiblissent la certitude, et mettent à la place le doute ou la probabilité. Il s’agit maintenant de trouver des arguments. Kant a fait contre la certitude un raisonnement que M. Jouffroy jugeait invincible. Nous le réfuterons par une équivoque[1]. Quant aux recherches utiles qui pourraient agrandir cette question de logique, nous nous en dispenserons. Peut-être se rencontrera-t-il un vrai savant, très-peu connu parce qu’il méritera de l’être, très-philosophe parce qu’il ne se donnera point pour philosophe, qui prendra la peine de

  1. Voy. chapitre iv, le double sens du mot subjectivité.