Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/200

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dix sous. D’autres font des petits vers, ou se jettent dans l’entomologie. M. Cousin s’est enfoncé dans l’érudition, dans la philologie, dans la bibliomanie, dans les goûts d’antiquaire, et il y est resté.

Cette inclination très-vive, comme toutes celles de M. Cousin, devient manifeste au premier coup d’œil jeté sur la liste de ses ouvrages. Ses grands travaux sont des éditions : Platon, en treize volumes, Descartes, en onze volumes, Proclus, en six volumes, Abailard et Maine de Biran. Faire une édition est un accident qui peut arriver à tout le monde ; on a eu besoin d’argent, ou bien l’on voulait publier les matériaux d’une histoire qu’on préparait. Faire cinq éditions, c’est prouver qu’on prend plaisir à en faire. M. Cousin, comme Raphaël, s’est fait aider (trop aider) par ses élèves, d’accord ; il n’en est pas moins certain que, pour accomplir de tels travaux, il fallait être philologue dans l’âme. Quiconque a touché, même de loin, la philologie, sait qu’elle demande une vocation spéciale. Fouiller des bibliothèques, déchiffrer d’horribles manuscrits, restaurer les textes mutilés, choisir entre les leçons, discuter l’authenticité du document, conjecturer son âge, chanceler partout sur le sol mouvant des probabilités, se plonger dans la foule querelleuse des commentateurs, user sa vue et sa pensée sur les sottises innombra-