Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/251

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comme les sciences physiques sont restreintes aux phénomènes sensibles et matériels.

Son caractère, qui l’avait poussé et enfermé dans la psydiologie, l’y guida. Le mal, le bien, le vrai, le faux, les découvertes, les erreurs, tout vient chez lui de la même source, et dans l’homme que nous avons décrit, on pouvait prévoir le philosophe que nous décrivons.

Il s’appliqua en premier lieu « à organiser » la psychologie. Passionné pour la méthode, parce qu’il était passionné pour la vérité, il employa la meilleure partie de ses meilleurs écrits à marquer les préliminaires de la science, à définir son objet, à marquer ses divisions, à indiquer ses conséquences, à reconnaître son instrument, à mesurer sa certitude. Il restait toujours à la porte, et semblait ne pas vouloir entrer. Il souffrait les reproches des gens pressés qui le blâmaient « de ne point sortir des questions de méthode, et de ne jamais arriver à la science elle-même[1]. » Il s’en embarrassait peu, croyant qu’après deux mille ans de disputes, cette lenteur est le seul moyen d’établir quelque vérité fixe. « Quand bien même quelques vies de philosophes se consumeraient à ce travail, ce ne serait pas trop, et il ne faudrait pas les regretter, si ce but était atteint. » C’est qu’à son avis, toute espé-

  1. Préface de la trad. de Reid, p, 217.