Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/257

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genres de plaisir désintéressé, les distinguant selon qu’ils sont produits par « l’association des idées, la nouveauté, l’habitude, l’expression, l’idéal, l’invisible[1], » par la présence de l’unité et de la variété, par la vue d’un rapport d’ordre et de convenance, par la sympathie ; il montre les règles, les dépendances, les variations, les ressemblances, les différences de ces plaisirs, avec une abondance, un détail, une netteté, un soin que je n’ai vus dans aucun livre. Comparés à celui-ci, les écrits écossais et français sur le beau paraissent misérables. Pour tout dire en un mot, il est le seul qu’on puisse lire après l’Esthétique de Hégel. Nulle part M. Jouffroy n’a mieux montré son genre de talent, l’invention circonspecte et féconde, la floraison innombrable d’idées ramifiées et entre-croisées qui s’épanouissent en tremblant, prêtes à se replier et à se fermer au moindre orage. Nulle part il n’a touché de plus près la vérité. Pour l’y faire entrer, il suffirait presque de supprimer sa mauvaise métaphysique, de traduire ses formules, de les réduire par l’analyse. Il n’y aurait qu’une notation à changer. Cela fait, on fondrait aisément les idées de Hégel et les siennes, et on verrait qu’aux deux extrémités de la science la description anatomique de nos sentiments et la construction métaphysique

  1. Cours d’esthétique, p. 244.