Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pressé laissait à peine une goutte de mauvaise eau dans sa main.

Je prends une analyse célèbre par sa finesse, celle des sensations agréables et désagréables. C’est un fagot tout germanique de métaphores et d’abstractions.

La sensibilité étant agréablement affectée commence par s’épanouir, pour ainsi dire, sous la sensation ; elle se dilate et se met au large, comme pour absorber plus aisément, plus complètement l’action bienfaisante qu’elle éprouve. C’est le premier degré de son développement. Bientôt ce premier mouvement se détermine davantage, et prend une direction. La sensibilité se porte hors d’elle, et se répand vers la cause qui l’affecte agréablement : c’est le second degré. Enfin, à ce mouvement expansif, finit tôt ou tard par en succéder un troisième qui en est comme la suite et le complément ; non-seulement la sensibilité se porte vers l’objet, mais elle tend à le ramener à elle, à se l’assimiler, s’il est possible. Le mouvement précédent était purement expansif, celui-ci est attractif ; par le premier, la sensibilité allait à l’objet agréable ; par le second, elle y va encore, mais pour l’attirer et le rapporter à elle : c’est le troisième et dernier degré de son développement.

La sensibilité désagréablement affectée manifeste des mouvements d’une nature tout à fait contraire. Au lieu de s’épanouir, elle se resserre ; nous la sentons se contracter sous la douleur, comme nous la sentons se dilater sous le plaisir. La contraction est le premier mouvement qui suive la sensation pénible. Mais ce premier mouvement ne tarde pas à prendre un caractère plus décidé ; la sen-