Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/270

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mêmes ; tout l’effort de la psychologie est d’étudier cette cause, plus importante que ses effets.

— Nous pensons exactement le contraire, et nous ne croyons pas que l’âme soit distincte des idées, sensations et résolutions que nous remarquons en nous. Notre avis est que les idées, sensations et résolutions, sont des tranches ou portions interceptées et distinguées dans ce tout continu que nous appelons nous-mêmes, comme le seraient des portions de planche marquées et séparées à la craie dans une longue planche. Nous ne disons point pour cela que le moi soit la collection et l’amas des idées, pas plus que nous ne disons que la planche est la collection et l’addition des morceaux de planche. Dans la planche comme dans le moi, le tout précède les parties ; le tout est sujet ou substance, les parties sont attributs ou qualités. Mais si tous les morceaux étaient enlevés, il n’y aurait plus de planche ; et si toutes les idées, sensations, résolutions disparaissaient, il n’y aurait plus de moi. Si vous en voulez une preuve, considérez le sens du verbe, vous verrez que toujours et partout où il se rencontre, l’attribut est une qualité, un abstrait, une portion du sujet. Cette pierre est pesante, la matière est étendue, cette plante végète, le soleil est brillant : dans toutes ces phrases, l’attribut est un membre séparé du sujet. L’étendue est une portion du tout qu’on appelle