Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/275

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liste dans sa marche et dans ses découvertes. Au premier instant il disait comme le vulgaire, que l’homme ayant mangé et ayant la faculté de digérer, digère ; au premier instant vous disiez, comme le vulgaire, que l’homme ayant senti et ayant la faculté d’apercevoir, aperçoit. Au second instant, ayant ouvert l’estomac, il remarquait que la digestion est une dissolution des aliments ; au second instant, décomposant la perception, vous avez remarqué que la perception est une hallucination vraie. Au dernier instant, ayant pratiqué des digestions artificielles, il a observé qu’elles sont une fermentation chimique des aliments imprégnés par le suc gastrique ; au dernier instant, ayant observé des hallucinations et des représentations choisies, vous avez conclu qu’elles sont les apparences fausses d’un fait inconnu que vous constatez et que vous cherchez à définir. Le physiologiste n’a point achevé sa tâche ; vous n’avez point achevé la vôtre. Il n’a pas encore trouvé le fait primitif qui constitue la digestion ; vous n’avez pas encore trouvé le fait primitif qui constitue la perception. Mais tous deux vous avez obtenu de vraies découvertes, et tous deux vous avez suivi la vraie méthode. Tous deux vous avez cherché un fait caché sous un fait apparent, un fait indécomposable sous un fait décomposable. Tous deux vous avez pratiqué l’analyse. Tous deux vous avez né-