Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/280

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à la philosophie[1] ; pour lui les autres recherches ne furent que rentrée de celle-là. Avec quelle émotion douloureuse il la tentait, ses paroles seules peuvent le dire[2]. Il parcourut l’univers, la science et la vie, montrant que tout spectacle, tout événement et toute pensée y ramènent l’homme, qu’elle est l’œuvre, non d’une curiosité tranquille, mais d’un besoin impérieux et âpre, qu’elle n’est point un divertissement de l’esprit, mais la vraie et la première nourriture du cœur. Dès l’abord, le premier essai du bonheur nous y précipite. « Car à peine obtenu, ce bonheur, si ardemment, si uniquement désiré, effraye l’àme de son insuffisance ; en vain elle s’épuise à y chercher ce qu’elle avait rêvé ; cette recherche même le flétrit et le décolore ; ce qu’il paraissait, il ne l’est point ; ce qu’il promettait, il ne le tient pas : tout le bonheur que la vie pouvait donner est venu, et le désir du bonheur n’est point éteint. Le bonheur est donc une ombre, la vie une déception, nos désirs un piège trompeur. Ici la nature même des choses est convaincue de méchanceté ; le cœur de l’homme et toutes les félicités de la vie mis en présence, le cœur de l’homme n’est point satisfait. » De là un découragement profond, un désen-

  1. Mélanges, p. 402, 416, etc.
  2. Leçons de 1830, p. 383.