Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/303

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l’abstraction dans le chaos des notations trompeuses et des fantômes métaphysiques. Orateur ardent et grave, peintre passionné des angoisses philosophiques, après avoir construit plusieurs morceaux de la science, il a souffert qu’une équivoque involontaire, fruit d’un penchant secret, vînt rompre le tissu serré et savant de sa morale. Il n’a laissé que des modèles de discussions, des fragments d’analyse, des conseils de méthode, des exemples d’invention originale. Son génie promit plus que ne tint sa vie, et il eut moins qu’il ne mérita. Comme M. Cousin, les circonstances le gênèrent ; comme M. Cousin, nous allons le transporter dans un autre siècle ; nous gardons l’homme, nous refaisons les circonstances ; et l’homme, aidé par les circonstances, devient plus heureux et plus grand.


IV


Il naquit en 1680, dans le comté de Kent, en Angleterre. Notre premier bonheur est de vivre parmi nos semblables, et pour le fond de l’âme, M. Joutfroy était Anglais. Le génie de cette race est passionné et réfléchi ; les hommes concentrés y abondent ; mélancoliques, ardents, sérieux, religieux, solitaires, ils pensent naturellement à Dieu,