Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/35

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comparaison est le rapprochement des deux objets ; la préférence est le choix entre deux objets qu’on vient de comparer. Le raisonnement et la liberté semblent d’abord ne pas offrir la même analogie. Cependant, en quoi consiste un acte libre ? N’est-il pas la détermination prise après avoir mis en balance deux ou plusieurs parties après en avoir calculé, pour ainsi dire, les inconvénients et les avantages ? Et la conclusion d’un raisonnement, n’est-ce pas le résultat de deux comparaisons, d’une sorte de balancement entre deux propositions ?

Rien de plus ingénieux que cette marqueterie philosophique. Je ne sais si depuis Fontenelle la science avait eu tant de souplesse et tant d’esprit. La seconde question populaire était celle de l’origine des idées. Laromiguière fit une seconde distinction, et remarqua que l’âme est capable de plusieurs sortes de modifications passives. Outre les sensations qui sont déterminées par les impressions des organes et qu’avait décrites Condillac, il nota les modifications ou sentiments que nous éprouvons à l’occasion de l’action de nos facultés[1], à l’occasion de deux idées présentes à la fois et comparables[2], à l’occasion d’une action qui nous paraît produite par un agent libre[3]. Il trouva

  1. Vous lisez un beau roman, vous avez le sentiment de votre attention.
  2. Vous voyez un hêtre et un charme, vous avez le sentiment de leur ressemblance.
  3. Vous écoutez un homme qui ment, vous avez le sentiment de sa coquinerie.