Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/37

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Parmi les descriptions de la couverture, celle de Laromiguière est des meilleures et restera.

Mais ce qui durera plus encore, c’est la méthode qu’il a reçue de Condillac, et que, dans son Discours sur le raisonnement, il résume avec une lucidité admirable. À notre avis, cette méthode est un des chefs-d’œuvre de l’esprit humain. Nous l’avons oubliée depuis trente ans, et nous la dédaignons aujourd’hui ; nous avons relevé une vieille logique, composée de pièces disparates, machine discordante dont la scolastique, Descartes et Pascal ont fourni les rouages rouilles, qu’Arnauld construisit un jour par défi, pour un enfant, et qui ne pouvait servir qu’à des esprits encore empêtrés dans la syllogistique du moyen âge[1]. Nous laissons dans la poussière des bibliothèques la Logique de Condillac, sa Grammaire, sa Langue des calculs, et tous les traités d’analyse qui guidèrent Lavoisier, Bichat, Esquirol, Geoffroy Saint-Hilaire et Cuvier. La philosophie fut alors la maîtresse des sciences ; elle indiqua une nouvelle route, et on la suivit. C’est à cette direction imprimée aux sciences positives qu’on reconnaît les grandes découvertes philosophiques ; le centre déplacé, tout le reste s’ébranle. Ainsi, dans notre siècle, les méthodes de construction et les hypothèses des métaphysiciens

  1. La Logique de Port-Royal.