Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/40

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ples, diversement combinés, suffisent pour produire tout le reste, et où l’esprit peut se mouvoir avec une facilité et une sûreté entières, dès qu’il a pris l’habitude de considérer les jugements comme des équations, et de substituer aux termes obscurs les valeurs qu’ils doivent représenter.

On a dit que le propre de l’esprit français est d’éclaircir, de développer, de publier les vérités générales ; que les faits découverts en Angleterre et les théories inventées en Allemagne ont besoin de passer par nos livres pour recevoir en Europe le droit de cité ; que nos écrivains seuls savent réduire la science en notions populaires, conduire les esprits pas à pas et sans qu’ils s’en doutent vers un but lointain, aplanir le chemin, supprimer l’ennui et l’effort, et changer le laborieux voyage en une promenade de plaisir. S’il en est ainsi, l’idéologie est notre philosophie classique ; elle a la même portée et les mêmes limites que notre talent littéraire ; elle est la théorie dont notre littérature fut la pratique ; elle en fait partie puisqu’elle la couronne, et l’on peindrait en abrégé son dernier défenseur, en disant qu’avec les grâces aimables, la politesse exquise et la malice délicate de l’ancienne société française, il conserva la vraie méthode de l’esprit français.