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d’une idée ou représentation, c’est de faire illusion et d’être affirmative ; donc, un instant auparavant, c’est-à-dire dans la perception, cette représentation ou simulacre intérieur nous a fait illusion, et nous est apparue comme un objet extérieur et réel. — Dans un très-grand nombre de cas, par exemple dans toutes les illusions des sens, l’objet apparent diffère de l’objet réel, et par conséquent s’en distingue[1]. On conclut, par induction, qu’il s’en distingue même dans les cas où il n’en diffère pas. Donc, en tous les cas, il y a un objet apparent, c’est-à-dire un simulacre qui paraît être l’objet réel et ne l’est pas. — La perception extérieure, selon M. Royer-Collard lui-même, est une conception affirmative ; mais une conception est une représentation, et la propriété de l’affirmation est de réaliser les représentations en les projetant dans le dehors. Donc la perception extérieure est une représentation du dedans, projetée et réalisée dans le dehors. — De la nature de la perception extérieure, de ses précédents, de ses suites, de ses vérités, de ses erreurs, jaillit cette phrase dix fois répétée et dix fois démontrée : la connaissance sensible est la conscience d’un simulacre intérieur, lequel paraît extérieur, sorte d’hallucination naturelle, ordinairement correspondante à un objet réel, opération qui

  1. Mueller, Traité de Physiologie, t. II, p. 267.