Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/92

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reste les forces. Marchez avec elles, et faites triompher la loi.

Comprenons donc que ni la volonté, ni la résolution, ni son efficacité, ni aucune force ne sont des êtres. Avant de chercher si loin et avec tant de peine la nature de la force et l’origine de son idée, il fallait analyser le sens du mot qui l’exprime. Cette analyse que vous avez abandonnée et maudite est le seul salut en métaphysique. Quand je dis qu’un ressort a la force de soulever un poids de dix livres, je veux dire seulement que le ressort étant placé sous le poids, il est nécessaire que le poids soit soulevé. Quand je dis que la vapeur comprimée est une force, j’entends simplement que le corps qui la comprime sera nécessairement poussé ou brisé. Quand je dis que ma résolution a la force de contracter mes muscles, j’entends simplement que, dans l’état de santé, si je prends la résolution de contracter un muscle, il est nécessaire, qu’il soit contracté. Un fait étant donné, un autre fait devient nécessaire, et l’on dit que le premier a la force de produire l’autre. La seconde phrase n’est qu’une traduction figurée de la première. Lorsqu’on a de l’imagination comme M. de Biran et les scolastiques, on suppose que cette force est quelque chose « d’ineffable, d’immatériel, d’hyperorganique, qui sort du premier fait, ainsi qu’un fluide subtil, et va s’infiltrer dans le second, s’y appli-