Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/94

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rapports en substances, et l’on finit, comme les mystiques, par fabriquer des théories de la grâce et de l’illumination[1].

On fait plus, on devient visionnaire. M. de Biran l’a été jusqu’à soutenir qu’il aperçoit la force, exactement comme on aperçoit le plaisir ou toute autre sensation. Il a vu la monade spirituelle appliquée sur le muscle et occupée à le contracter. Plotin prétendait avoir vu Dieu quatre fois. Les femmes de la Salpêtrière en disent autant. Pour nous qui croyons aux faits et à l’expérience, nous leur répondrons, avec les physiologistes, que la résolution n’a pas sur le muscle la moindre action directe. La résolution produit une certaine modification dans le cerveau : voilà toute son œuvre. Celle-ci en produit une dans la moelle, la moelle dans le nerf, le nerf sur le muscle ; c’est le nerf qui agit sur le muscle et ce n’est pas la volonté. Coupez la moelle ou le nerf, à tous les commandements de la volonté le muscle reste inerte ; touchez la moelle ou le nerf, contre tous les commandements de la volonté le muscle se contracte. La volonté est séparée du muscle par deux ou trois barrières ; elle agit sur lui comme l’ingénieur du télégraphe de Vienne agit sur l’aiguille du télégraphe de Paris. — Nous répondrons enfin avec les

  1. Tome IV, p. 147, note.