Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/106

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Il y eut quelques démêlés entre la Reine et le Roi sur ce ballet. Il vouloit que madame de Moret en fût. La Reine ne le vouloit pas, et elle vouloit que madame de Verderonne[1] en fût, et le Roi ne le vouloit pas. Ils avoient tort tous deux en ce qu’ils vouloient, et raison en ce qu’ils ne vouloient pas. À la fin, pourtant, la reine l’emporta. Pendant ce petit désordre, elle ne laissoit pas de répéter son ballet. Pour y aller on passoit devant la chambre du Roi ; mais, comme il étoit en colère, il la faisoit fermer brusquement dès qu’elle venoit pour passer.

Un jour il entrevit par cette porte mademoiselle de Montmorency, et, au lieu de la faire fermer, il sortit lui-même, et alla voir répéter le ballet. Or, les dames devoient être vêtues en nymphes ; en un endroit, elles levoient leur javelot, comme si elles l’eussent voulu lancer. Mademoiselle de Montmorency se trouva vis-à-vis du Roi quand elle leva son dard, et il sembloit qu’elle l’en vouloit percer. Le Roi a dit depuis qu’elle fit cette action de si bonne grâce qu’effectivement il en fut blessé au cœur et pensa s’évanouir. Depuis ce moment l’huissier ne ferma plus la porte, et le Roi laissa faire à la Reine tout ce qu’elle voulut. Madame la marquise de Rambouillet, alors la vidame du Mans, étoit de ce ballet : ce fut là qu’elle fit amitié avec madame la Princesse.

On avoit déjà parlé de marier M. le Prince avec mademoiselle de Montmorency ; le Roi conclut l’affaire, croyant que cela avanceroit les siennes. M. le connétable donna cent mille écus à sa fille. M. le

  1. La femme d’un président des comptes. Elle étoit demoiselle. (T.)